En 1975 sortait sur les écrans le film du réalisateur français Claude Mulot, Le Sexe qui parle. L’œuvre raconte l’histoire d’une femme, délaissée par son mari, qui voit sa libido prendre le dessus. Comme possédée, le sexe commande et a le dernier mot.
À la sortie du film, il devient très vite populaire par les amateurs de film pornographique, tant par son sujet qu’il aborde (la libération - d’une certaine manière- du désir féminin) mais surtout pour l’unique apparition à l’écran de Pénélope Lamour. Véritable ovni du genre, Le sexe qui parle est un film culte de l’âge d’Or du porno. À tel point, qu’en 2014, le film a bénéficié d'une ressortie en DVD chez Bach Film, avec en bonus les commentaires du gourou du bon chic bon genre minimaliste Christophe Lemaire.
Presque 50 ans plus tard, après avoir visionné ce chef-d’œuvre, on ne peut s’empêcher de s’interroger sur une chose : et si notre sexe parlait, qu’aurait-il à dire aujourd’hui ?
“On ne peut s’empêcher de s’interroger sur une chose : et si notre sexe parlait, qu’aurait-il à dire aujourd’hui ?”
In 1975, the French porn movie Le Sexe Qui Parle (Pussy Talk) was released by director Claude Mulot. It tells the story of a woman, abandoned by her husband, who sees her libido take over. As if possessed, her sex commands her and gets the last word.
Within a few days of its release, it quickly became popular with pornographic films lovers, both for the subject that it tackled (the liberation - in a certain way - of female desire) but above all for the unique appearance of Penelope Lamour. A true phenomenon of the genre, Pussy Talk is a cult film from the golden age of porn. To the point that in 2014, the film was re-released on DVD by Bach Film, with bonus comments from the guru of good minimalist style Christophe Lemaire.
Almost 50 years later, after watching this masterpiece, we can't help but ask ourselves thing: if our sex could talk, what would it have to say today?
À l'heure où je me pose cette réflexion, j’entame les + de 6 mois de célibat. Après avoir eu des dizaines de conquêtes, souvent pendant les fêtes, je traverse actuellement une abstinence que j’ai choisie et qui s’avère être un grand voyage à travers mon intimité.
En tant qu’homme, cisgenre, homosexuel, caressant la trentaine, j’ai pu m’épanouir dans ma sexualité (et ses travers les plus secrets) de manière moderne. Comprenez que mes amants ont bien souvent été des rencontres 2.0. La facilité qu’on a à jouir de nos fantasmes est souvent grotesque, tant elle est banalisée.
“La facilité qu’on a à jouir de nos fantasmes est souvent grotesque, tant elle est banalisée.”
Prenez pour exemple de comparaison en 1975, dans l’une des scènes clé du film, Joëlle, l'héroïne un peu bourgeoise incarnée par Penelope Lamour, se retrouve en soirée avec des camarades de sa classe sociale. Semblant être ailleurs pendant la soirée, cette dernière s’abandonne au milieu de tout le monde, a son plaisir personnel. La réaction des personnes autours est unanime, comment ose-t-elle se comporter de la sorte en étant une femme de son rang ?
Provoquant d’abord un véritable choc, les invité.es qui l’entourent, l'observent, et se laissent aller à leur tour à leur propre désir. Ce qui est intéressant à analyser dans cette scène, c’est la mélancolie de l’héroïne, ne se sentant pas à l'aise en société, elle cherche un moyen de fuir, par le biais de la jouissance.
This moment of self-questioning comes after more than 6 months of celibacy. After having dozens of conquests, often during the holidays, I am currently going through an abstinence that I have chosen and which turns out to be a great journey inmy intimate life.
As a man, cisgender, homosexual, in my thirties, my sexuality(and its most secret failings) was able to blossom in a modern way. In a world of dating 2.0, I met all my lovers through apps. The ease in which we can enjoy our fantasies is often grotesque, so trivialized it is.
As an example of comparison, in 1975, during one of film’s key scenes, Joëlle, the bourgeois heroine played by Penelope Lamour, finds herself in the evening with fellow bourgeois comrades. She is noticeably distracted throughout the evening, until she surrenders herself to fantasy and her personal pleasure, right in the middle of everyone. The reaction of those around her is unanimous: how dare she, a woman of status, behave like this?
At first provoking a real shock, the guests observe her, before finally letting go and allowing their own desires to take over. What is interesting to analyze in this scene is the heroine’s melancholy, and her unease in this society from which she triesto escape through sexual enjoyment.
En 2018, lors d’un séjour éclair à Berlin, ville de tous les possibles, je me suis retrouvé confronté malgré moi à une soirée chem-sex (sexe sous emprise chimique). J’avais rencontré ce garçon plutôt mignon via une énième application dédiée à cela, et il m'avait invité chez lui avec ses amis. La soirée se passait bien, jusqu’au moment où ils ont commencé à consommer.
Au fur et à mesure de la soirée, j’observais l’ambiance changer. Autour de moi, ils se déshabillaient au détour d’un éclat de rire, se caressaient un à un avec naturel tout en continuant leurs conversations, allant même jusqu’à faire l’amour comme si de rien était. À l'inverse de l’héroïne de notre film, j’étais celui qui observait, abasourdi par cette liberté, et cette rapidité (dû à la consommation) que ces hommes de tout âge avaient, à rechercher la jouissance via la consommation de substances illicites pour s’abandonner à la jouissance...collective.
N'y voyez pas là une sorte de puritanisme de ma part, mais plutôt une stupéfaction face à cette fluidité collective à s’abandonner sexuellement aussi facilement. La construction et l'épanouissement sexuel sont libres à chacun.es. Évidemment on ne peut pas être au même niveau que son ami.e libertin.e.
In 2018, during a whirlwind stay in Berlin, I was confronted in spite of myself at a chem-sex party (sexual activity while under the influence of drugs). I had met a cute boy via yet anotherhook-up app, and he invited me to join him and his friends at his apartment. The evening was going well, until they started taking drugs.
As the evening progressed, I watched the mood change. Around me, they undressed with a burst of laughter, caressed one by one naturally while continuing their conversations, even going so far as to make love as if nothing had happened. Unlike the heroine of our film, I was the one who watched, stunned by this freedom, and this speed (due to consumptionof stimulants) that these men of all ages had, to seek sexual enjoyment using illicit substances to surrender oneself to enjoyment...collectively.
Don’t be mistaken, this wasn’t due to any puritanism on my part, but rather an astonishment in the face of this collective fluidity to sexually surrender oneself so easily. Self improvement and sexual fulfillment are free for everyone. Obviously, you can't always be on the same page as your libertine friend.
En 1975, l’expression de ces fantasmes, et désirs pouvait être assouvie, dans certains lieux prédestinés à cela. Cinéma, Bar, sex-shop, submergeaient les capitales, et particulièrement Paris. En 2019, le dernier cinéma dédié aux œuvres pornographiques, du quartier de Bonne Nouvelle, dans le Xe arrondissement de Paris, fermait définitivement ses portes. Haut-lieu du X, le dernier film qui était projeté ce soir-là était Le sexe qui parle. Je me souviens assister à la séance entouré de nostalgiques et de personnes branchées.
En sortant de la séance, on pouvait entendre les gens réunit donner leurs avis, racontant leurs anecdotes et je me souviens demander à mon pote « tu penses que ta bite aurait quelle voix si elle parlait? - Bonnie Tyler!» Sa réponse à la fois directe et étonnante fut étouffée par nos éclats de rires communs.
Dans le film, le vagin s'exprime avec une voix masculine aiguë, mon ami hétéro cis pense que si son pénis pouvait parler, sa voix serait roque et féminine. Je ne pouvais pas m’empêcher de penser à la voix de mon sexe, serait-elle féminine ou masculine?
“Je ne pouvais pas m’empêcher de penser à la voix de mon sexe, serait-elle féminine ou masculine?”
In 1975, the expression of these fantasies and desires could be satisfied, in certain places predestined for this. Cinemas, bars, sex-shops, all over the world, and particularly Paris. In 2019, the last cinema dedicated to pornographic works, in the Bonne Nouvelle district, in the 10th arrondissement of Paris, closed its doors for good. High place of the X, the last film which was projected this evening was Pussy Talk. I remember attending the session surrounded by nostalgic and trendy people.
Coming out of the session, we could hear the people offeringtheir opinions, telling their anecdotes, and I remember asking my friend “what voice do you think your dick would have if it spoke? "Bonnie Tyler!" His response, both direct and astonishing, was drowned out by our shared bursts of laughter.
In the movie, the vagina speaks in a high-pitched male voice, my straight cis friend thinks if his penis could talk, his voice would be gravelly and feminine. I couldn't stop thinking about the voice of my sex, would it be female or male?
En 2022, les questions de genres, de masculinités, de féminité, sont dans toutes les bouches. Les conversations autour du sexe sont de plus en plus naturelles. On va parler sodomie en prenant un café, et se balader à la recherche de combi latex comme si on allait chez H&M. Le sexe est de moins en moins tabou. Il est entré dans notre quotidien, IRL et URL à travers une pop-culture qui ne cesse d’en exploiter les différents spectres. Et surtout, en un clic, ou swipe, baiser n’a jamais été aussi simple. Cette hypersexualisation et banalisation du plaisir physique ne sont-ils pas le reflet d’une société qui ne sait plus exprimer son désir autrement que par la consommation ?
Cette hypersexualisation et banalisation du plaisir physique ne sont-ils pas le reflet d’une société qui ne sait plus exprimer son désir autrement que par la consommation ?
En grandissant dans une ville qui vit plus vite qu’une tendance prêt-à-porter, j’ai pu ressentir la chance que c'était de pouvoir expérimenter sa sexualité. Librement.
Depuis ce célibat que je me suis imposé pour me concentrer sur mes véritables désirs, j’ai pu observer qu’on me poussait chaque jour à me faire jouir. Sur les réseaux sociaux, dans les pubs, dans les soirées où l’on se drague comme si on était dans un cruising géant, dans les films dont les scènes sont beaucoup plus explicites qu’à l’époque de l’âge d’or du cinéma, et pourtant...je n’ai plus de libido. Je n'en ai plus envie. Je n’arrive plus à laisser mon sexe parler pleinement. Sans doute car j’ai passé des années à ne pas écouter ce qu’il avait envie de me dire. Préférant le «tout de suite» au «prenons le temps» Réapprendre à dialoguer avec, essayant de ne pas satisfaire les pulsions émises par mon quotidien (pour 95% l’envie de masturbation solitaire émane d'un sentiment d’ennui, pensez-y) je me retrouve à écouter mon corps. Finalement, si mon sexe avait une voix elle serait un peu éraillée par ces années à avoir été trop avare de consommer le plaisir plutôt que de le comprendre.
En visionnant aujourd’hui ce film de 1975, on ne peut que penser que les choses ont évolué en 50 ans, la parole s’est libérée de toute part, le genre s’assume, la sexualité est partout mais la vraie question demeure : quand apprendrons-nous enfin à dialoguer avec notre propre sexualité ?
“La parole s’est libérée de toute part, le genre s’assume, la sexualité est partout mais la vraie question demeure : quand apprendrons-nous enfin à dialoguer avec notre propre sexualité ?”
In 2022, questions of gender, masculinity and femininity are on everyone's lips. Conversations around sex are becoming more and more natural. We talk about anal sex over coffee, and walk around looking for latex jumpsuits as if we were going to H&M. Sex is less and less taboo. It has entered our daily lives, IRL and URL through a pop-culture that continues to utilize its different spectrums. And above all, in one click, or swipe, fucking has never been easier. The question remains is this hyper sexualization and trivialization of physical pleasure the reflection of a society that no longer knows how to express its desire other than through consumption? Growing up in a city that lives faster than a ready-to-wear trend, I could feel how lucky I was to be able to experiment with my sexuality. Freely.
Since this self-imposed celibacy allowed me to concentrate on my true desires, I could observe how the pursuit of an orgasm was imposed on me. On social networks, in bars, at parties where we flirt as if in a giant cruise bar, in films whose scenes are much more explicit than in the days of the golden age movies, and yet...I no longer have a libido. I no longer want it. I can no longer let my sex life speak fully. Probably because I spent years not listening to what it wanted to tell me. Preferring "immediately" to "let's take our time" Relearning to dialogue with it, trying not to satisfy the impulses emitted by my daily life (for 95% the desire for solitary masturbation comes from a feeling of boredom, just think about it) I find myself listening to my body. Finally, if my sex had a voice, it would be a little scratched by these years of being too eager to consume pleasure rather than understand it.
Watching this film today from 1975, one can only think that things have changed in 50 years, speech has been released everywhere, gender is assumed, sexuality is everywhere, but the real question remains: when will we finally learn to dialogue with our own sexuality?
Clément
j'adore